24/07/2020
Des recherches récemment publiées dans la revue Science ont montré que les mesures de confinement visant à lutter contre la propagation de la COVID-19 ont entraîné une réduction de 50% du bruit sismique à l'échelle mondiale entre le début et le milieu de l'année 2020. En Suisse, des chercheurs du Service Sismologique Suisse (SED) de l'ETH Zurich ont également pu identifier ce phénomène, comme annoncé dans un précédent article en avril 2020. Le SED a donc participé à cette nouvelle étude internationale, à laquelle ont collaboré au total 76 auteurs issus de 66 instituts dans 27 pays.
Lire plus...En analysant des séries de données sur plusieurs mois et années, provenant de plus de 300 stations sismiques à travers le monde, l'étude, dirigée par le Dr Thomas Lecocq de l'Observatoire royal de Belgique, a pu montrer comment le bruit sismique a diminué dans de nombreuses régions du monde depuis le début des mesures de confinement. Les chercheurs ont pu visualiser la "vague de calme" qui en a résulté, se déplaçant à travers la Chine, puis en Italie, et dans le reste du monde. Cette diminution du bruit sismique montre l'effet total des mesures d'éloignement physique et social, de la réduction de l'activité économique et industrielle et de la baisse du tourisme et des voyages. La période de réduction du bruit sismique anthropique mondial en 2020 est la plus longue et la plus importante jamais enregistrée.
Traditionnellement, les sismologues se concentrent sur la mesure et l'analyse des ondes sismiques provoquées par les tremblements de terre. Cependant, les vibrations à haute fréquence (le bourdonnement) de l'activité humaine contaminent les enregistrements sismiques provenant de sources naturelles. Les déplacements à pied, en voiture et en train, mais aussi l'industrie lourde et les travaux de construction génèrent des signaux sismiques particuliers dans le sous-sol qui affectent l'enregistrement des phénomènes naturels. Les plus fortes réductions de bruit sismique dues au confinement ont été constatées dans les zones urbaines, mais l'étude a également observé ces effets sur des capteurs installés à des centaines de mètres sous la surface et dans des zones plus isolées, comme en Afrique subsaharienne. En outre, les chercheurs ont constaté une forte corrélation entre la réduction du bruit sismique et des indicateurs de mobilité humaine fournit par les téléphones portables.
En Suisse, les stations appartenant au réseau suisse de détection des mouvements forts (SSMNet) ont notamment montré des effets similaires. Beaucoup de ces stations de mesure sont situées dans des zones urbaines et une réduction significative du bruit sismique a été enregistrée à Lugano, Martigny, Zurich, Bâle et Genève, entre autres. Depuis que le confinement a été déclaré à la mi-mars, les niveaux de bruit sismique dans ces villes ont été presque aussi bas les jours ouvrables que pendant les week-ends précédant le début du confinement. Entre-temps, le bruit sismique est revenu à des niveaux presque normaux en Suisse et dans la plupart des pays analysés dans l'étude.
La période de diminution du bruit sismique de 2020 permettra-t-elle de détecter de nouveaux types de signaux ? L'étude a montré pour la première fois que les signaux sismiques d'origine naturelle précédemment occultés, surtout pendant la journée, apparaissaient beaucoup plus clairement sur les capteurs sismiques des zones urbaines pendant le confinement. En Suisse, l'effet global est une diminution du seuil de détection des tremblements de terre d'environ 0,1 à 0,2 unités de magnitude dans tout le pays, pour de nombreuses zones urbaines cette diminution est encore plus importante avec 0,3 unités de magnitude.
Le Dr Frédérick Massin, sismologue du SED et co-auteur de l'étude, déclare que les chercheurs espèrent que leurs travaux donneront lieu à d'autres recherches sur la réduction du bruit sismique. L'un des principaux objectifs sera de trouver des signaux générés par les tremblements de terre et les volcans mais qui étaient auparavant indétectables. En raison de l'urbanisation croissante et de l'augmentation des populations, il devient plus important que jamais de caractériser les bruits anthropiques (d'origine humaine) afin que les sismologues puissent mieux écouter la Terre, en particulier dans les villes, et surveiller les mouvements du sol sous nos pieds.
Plus d'informations : https://science.sciencemag.org/lookup/doi/10.1126/science.abd2438