18/04/2018

La formation des Alpes: elles ont émergé après avoir jeté du lest et non par poussée horizontale

Les roches alpines se sont érigées en massif, parce qu’elles se sont détachées de la couche inférieure plus lourde de la plaque européenne en train de plonger. C’est ce que suggèrent E. Kissling de l’Institut de géophysique de l’ETH Zurich et F. Schlunegger de l’Institut de géologie de l’Université de Berne dans leur nouveau modèle, récemment publié, sur la formation des Alpes. Jusqu’ici, on supposait que les Alpes s’étaient formées par compression de la plaque adriatique au sud contre la plaque européenne au nord. Pourtant, des données géophysiques et géologiques nouvelles contredisent l’ancien modèle du bulldozer.

L’écorce rocheuse solide de la Terre est appelée la lithosphère, et elle est divisée en plaques qui flottent comme des radeaux sur le manteau visqueux inférieur. Ces plaques sont constituées de deux couches, la croûte au-dessus, et le manteau lithosphérique en dessous. La croûte sert de bouée et évite que le manteau lithosphérique, plus lourd, ne s’enfonce dans le manteau. Les parties océaniques des plaques lithosphériques ont une croûte bien plus fine que les parties continentales. Elles subissent donc une poussée bien plus faible, de telle sorte que la lithosphère océanique peut plonger entièrement dans le manteau au niveau de ce qu’on appelle des zones de subduction, et par la même occasion entraîner la partie continentale de la plaque au niveau de la surface terrestre.

Une subduction de ce type s’est produite au début de la formation des Alpes, et au cours de celle-ci, l’ancienne partie océanique de l’Europe a plongé sous le continent adriatico-africain au sud. Après que l’ensemble de l’océan a ainsi disparu, les deux plaques lithosphériques continentales sont entrées en collision, comme le feraient deux radeaux. Selon le modèle admis jusqu’ici pour la formation des Alpes centrales suisses, la collision de ces deux plaques a entraîné une poussée horizontale et un empilement des matériaux rocheux situés entre les deux.

Les dernières données géophysiques sur la structure profonde des Alpes et les découvertes géologiques sur la formation du Plateau suisse indiquent cependant que cette poussée horizontale n’a contribué que très faiblement, voire pas du tout, à la formation du massif. Les roches alpines auraient plutôt émergé pour former des montagnes, parce que la croûte continentale s’est détachée de la sous-couche lourde de la plaque européenne en train de plonger. La croûte, pouvant atteindre 60 km d’épaisseur, a ainsi reçu une importante poussée supplémentaire qui lui permet de supporter sans problème le poids des montagnes, comme un iceberg qui flotte sur l’eau. La poussée d’Archimède renforcée sur la croûte continentale rétablit constamment l’altitude du massif, qui devrait sinon diminuer en raison des processus d’érosion. Les rivières et glaciers sculptent en permanence les montagnes par enlèvement de matériaux et sédimentation dans les bassins des avant-pays, autrefois sur le Plateau suisse et aujourd’hui dans la plaine du Po.

Le nouveau modèle met ainsi en avant les forces gravitaires et donc la poussée verticale sur les plaques flottantes pour la formation des Alpes. L’hypothèse des deux auteurs se distingue donc du précédent modèle du bulldozer pour lequel les forces horizontales jouaient un rôle central.

Publication: «Rollback Orogeny Model for the Evolution of the Swiss Alps», Tectonics, 2018

Plus d'informations: Edi Kissling, Fritz Schlunegger.